seine saint denis
Jeudi 15 Mai 2014 - 18:41
Par Wael Sghaier

Ville 5. Jour 2 et 3. Au milieu, les rails. 

Au nord : 

C'est là que l'on rencontre les anciens et anciennes. Ceux et celles qui habitent depuis un certain temps à Pantin. Il suffit de passer une après-midi au club/cantine des "vieux" de la maison de quartier des courtillières pour connaitre son histoire. Une maison de quartier où l'on peut (bien) manger, s'instruire et rencontrer des perles. La vie, la vraie. Enfin comme je la conçois.

Après un premier passage, un repas m'est offert par l'association dégustation sans frontières. Simple, efficace et assez bon pour que cela donne envie de revenir. Je parle un peu cuisine avec les deux personnes qui tiennent le "restaurant". J'essaye de me faire embaucher comme cuisinier mais je ne réussis pas le test "C'est quoi ta spécialité ?". Mon fabuleux risotto parmesan et épinard ne sera apparemment pas au programme des prochains déjeuners.

  

Deuxième passage, un bon autre repas. Du poisson grillé sauce chien accompagné de riz. Un délice pour les papilles. Mais ce coup-ci, je le partage avec une habitante avec qui j'ai rendez-vous : Janine ! (Son numéro m'a été donné par mes deux incroyables "tourism-planneur" de la mairie).

Janine, c'est l'ancienne coiffeuse des Courtillières. Elle connait à peu près toutes les histoires de la cité. Elle a coiffé plusieurs générations de pantinois(es). A 80 ans et en fait 60. Chanteuse et danseuse à ses heures perdues. Elle est tout de suite très à l'aise avec moi. Avant de commencer quoique ce soit (et c'est elle qui le dit), elle me demande de l'aider à activer sa puce de téléphone qu'elle vient juste de recevoir. Je ne pensais que cela pouvait prendre autant de temps. Ne se souvenant plus du mot de passe de son e-mail, il est impossible d'activer son compte (tout se fait maintenant par internet à son plus grand regret). Après de nombreux essais, j'appelle son fils (que je ne connais pas) et lui laisse un message pour qu'il me rappelle (sur mon téléphone). Une situation assez improbable. Il est assez rare qu'une personne se dévoile aussi rapidement et me laisse entrer dans sa vie si rapidement. Elle me parle de sa vie, de son travail, de ses "potes" de la cité, de son fils et de son "ex". Le tout entrecoupé de petit couplet de chansons d'antan que je ne connais pas. Je ne pensais pas rester si longtemps avec elle mais j'avais oublié combien de choses une coiffeuse avait à dire et qu'il était autant intéressant d'écouter une personne presque quatre fois plus vieille que soi. Il est tellement difficile de retranscrire cette rencontre à l'écrit tellement il y aurait de choses à dire. J'ai donc préféré enregistrer et cela ne suffira surement pas pour la décrire entièrement.

C'est ce genre de rencontre qui me donne envie de continuer mon aventure. Nous échangeons avec les autres personnes présentes. Janine fait la navette entre tous les anciens. Des blagues fusent. Des histoires sur telle ou telle personne. Un moment de vie unique. Comme une envie de rester là mais, et à mon plus grand regret, la route m'appelle. Un conseil : si vous vous voulez connaître Pantin, c'est ici que ça se passe... Allez-y sans modération. Manger. Déguster. Échanger. Écouter. 

PS : À la maison de quartier, il y aussi les engraineurs qui organisent des ateliers d’écriture et réalisation audiovisuelle auxquels participent des jeunes de 12 à 25 ans. Faute de temps, je n'ai pas pu les rencontrer. Mais il fallait en parler. Si tu es jeune et que tu aimes le cinéma, c'est pour toi.

Au sud : 

Il y a donc la mairie et ses employés à la culture. Il y a aussi. Mona. La céramiste qui devait m'accueillir chez elle et qui se propose de me faire une petite visite de la ville. Avec elle, j'ai pu admirer le centre national de la danse accueilli dans l'ancienne cité administrative et commissariat de la ville. Un bâtiment que l'on dit austère mais qui est pour moi un bijou d'architecture.

Sur le chemin, nous sommes rentrés chez Philippe Coudray (un des nombreux tapissiers du département, un poil plus luxe que les autres). Une grande porte rouge et une sonnette qui donnent envie. Il est donc évident que je me suis permis d'y passer mon doigt. C'est fou comme les portes s'ouvrent plus facilement lorsque l'on se présente comme un touriste. 

Nous passons devant l'ancienne manufacture de meubles louis. Puis devant Hermès. Un imposant bâtiment sur un pâté de maison que l'on peut pas louper. Impossible d'y rentrer. Cela serait une belle visite.

Encore plus au sud, il y a le Ventre de la baleine. Des ateliers d'artistes (mais aussi des studios d'enregistrement) qui étaient à l’origine le "siège social d’une entreprise française qui fabriquait des sièges de trains corails, RER, et de véhicules industriels". Nous demandons notre chemin à plusieurs personnes dans la rue. Il n'y a pas grand monde qui connait ce lieu sauf trois jeunes hommes en scooter qui nous indiquent finalement le chemin. Nous attendons quelques minutes devant la porte. L'entrée ne laisse pas apparaitre ce qu'il s'y passe. Un homme à l'allure d'un grand chanteur jamaïcain arrive et nous laisse gentiment rentrer sans poser de questions. Un long couloir un peu sombre et nous arrivons en bas de l'escalier.

   

Le lieu ressemble plus à un squat qu'à autre chose. Nous décidons quand même d'aller voir ce qu'il se passe aux étages supérieurs. Trois niveaux. Des ateliers ouverts et personne à l'horizon. Nous continuons notre exploration, rencontrons enfin une personne que nous saluons et qui ne souhaite apparemment pas trop s'épancher sur ce qu'elle est. Nous redescendons au rez de chaussée. Passons devant plusieurs studios fermés. Un seul studio est ouvert. Nous retrouvons la personne qui nous as ouvert. Le son est plus doux. Quelque chose de plus acceptable pour mes oreilles. Nous nous présentons. Nous parlons un peu musique. Je leur conseille un endroit que je connais pour se produire (le deux pièces cuisine à Blanc-Mesnil, le nouveau haut lieu reggae du 9-3). Nous avons le droit à une écoute exclusive leur dernière création. Après quelques minutes d'échange, je remercie baron black pour l'accueil.

J'ai rendez-vous avec mon père au bord du canal et ne souhaite pas arriver en retard. Je remercie Mona pour la visite et les découvertes.

Je retrouve mon paternel chez Agnes, où tous les mois, un jeudi, à 19 heures, le bar propose le café philo de Pantin. Réfléchir et échanger à propos d'un sujet philosophique autour d'un verre. À mon plus grand étonnement, nous ne sommes pas jeudi. Et ce n'est pas le bon jour. Les aléas du voyage. Malgré ce petit contretemps, nous profitons d'une bière au bord du canal. Il fait beau et doux. Le soleil commence à descendre à l'horizon (même si cela ne se voit pas sur la photo). La journée a été parfaite.

Les autres jours au sud de Pantin m'ont permis de découvrir deux mondes artistiques assez opposés.

Le premier par l'intermédiaire d'un évènement qui se nomme 1 mois, 1 œuvre. Chaque mois une œuvre de la collection du fonds d'art de la ville est présentée et commentée. Je m'inscris auprès du service du patrimoine. Ce mois-ci, c'est une artiste peintre (qui fait aussi de la gravure) qui présente une des ses œuvres. Son atelier est tout proche de la porte de la Villette. Marie-Hélène Collinet-Baillon présente ce jour-là, dans son petit atelier, une de ses gravures. Plusieurs personnes sont présentes. Une majorité de femmes. L'artiste commence par expliquer ce qu'elle fait, son histoire et commente l'œuvre. Un moment intime où l'on découvre une artiste, sa passion et sa vision de l'art. À la fin de l'explication, un mini buffet est offert. Ça tombe bien car il est midi. 

   

L'autre monde, je l'ai découvert chez Thaddaeus Ropac. Une ancienne usine de chaudronnerie transformée en galerie d'art contemporain situé dans non loin de la mairie. 4000 m2 de surface d'exposition et un accueil un peu moins chaleureux. L'intimité n'est pas le maître-mot de cet espace. La bâtisse de 12 mètres de haut impressionne depuis la rue. Je décide de garer ma berline à deux roues dans la cour pavée. Je m'installe à la "cafétéria" situé en face de l'entrée de la galerie. Pause écriture. Je commande un café. Deux. J'essaye d'engager la conversation avec la charmante serveuse. Difficile. Une blague. Deux. Un employé de la galerie entre. Je me présente. J'aimerais en savoir un peu plus sur la galerie. La personne va se renseigner. Une autre personne arrive. "C’est vous qui voyagez ? Je n'ai que deux minutes. La journée est très chargée". Je n'en apprends pas plus que sur le site internet précédemment consulté. Je demande l'addition. Je n'ai plus l'impression d'être à Pantin mais dans le centre de Paris. Le café était vraiment bon.
J'entre dans ce superbe bâtiment en briques qui se compose de quatre nefs allongées peintes en blanc. C'est grand. Vraiment très grand.

    

Du 2 mars au 12 juillet 2014, des portraits d'Alex Katz, "un artiste figuratif américain associé au mouvement du pop art", sont exposés. On aime ou on aime pas. Pour ma part, je suis assez réceptif. C'est sobre et épuré. Ce qui donne aux œuvres un caractère intemporel. Je me prends à voyager dans des univers différents lorsque je m'arrête devant un nouveau portrait. Je laisse mon imaginaire fonctionner à plein régime.

Je m'approche de la sortie. Je reviens à la réalité. J'étais à New-York. Pas à Pantin. Je me demande si cela est une bonne chose.

A propos

Mon incroyable 93, c'est un voyage de 4 mois en Seine-Saint-Denis pour découvrir ce territoire sous un autre angle. Pour donner à voir ce 93 qu’on n’imagine pas et déconstruire les clichés qui entourent ce département, un touriste a donc décidé de partir en voyage pour aller à le rencontre des habitants et voir le patrimoine séquano-dionysiens. Un voyage pas très loin de Paris, pas très loin de chez vous (sauf si vous habitez le Minnesota) et pas très loin de chez lui,  à seulement quelques stations de métro (et RER) de la capitale afin de redécouvrir le département où il a grandi et le faire (re)découvrir à d'autres.
Le voyage sur facebook et sur twitter.