Comme pour Saint-Ouen, j'arrive par une porte. Celle de Pantin est beaucoup plus accueillante pour les piétons et vélos. Elle a été en travaux pendant une longue période et est aujourd'hui beaucoup plus fluide. Je m'adapte tout doucement à Léonard II (qui est beaucoup moins confortable que Léonard 1er, mon premier vélo que j'ai du rendre précipitamment).
Pour mieux comprendre la nouvelle ville que je m'apprête à visiter, je me rends directement au service des archives de la mairie. Un grand bâtiment de verre au bord du canal (en fête cet été) situé en face du CND (le centre national de la danse, un lieu unique par son architecture au service de la danse). Je passe par l'accueil qui m'indique où se trouve mon bonheur. Après avoir passé plusieurs portes, j'arrive dans un endroit bien éclairé et très silencieux. Je me renseigne donc sur l’histoire de la ville et j'explique mon projet à la personne qui siège dans cet espace de travail et de recherche. Elle est, au premier abord, pas très accueillante mais s'ouvre au fil de notre discussion. Je fais mes recherches et remarque que la ville possède de nombreuses entreprises de luxe. En partant, je m'inscris à un évènement organisé par le service du développement culturel. (Ça tombe bien, je voulais y aller) Se pose alors une question : volonté de s'intégrer dans le territoire ou seulement une question de place et d'argent ? Pas de réponse. Une question qui restera en suspens tout le long de mon voyage.
Deuxième étape que je m'impose : le service du développement culturel. Il suffit de monter l'escalier pour y arriver. Une montagne de prospectus/flyers/magasines se trouve à l'entrée des bureaux qui composent ce service. "Bonjour, j'aimerais savoir ce qu'il y a à voir et à faire sur Pantin ces prochains jours". S'en suis une présentation de ce qu'il est possible dans les semaines qui arrivent. "Mais si vous souhaitez en savoir un peu plus, allez voir mes collègues". On m'introduit auprès de Solange et Suzanne. Respectivement Chargée de Mission Action Culturelle et Chargée de communication. Sans réellement savoir qui je suis, on me propose un café, un thé et à grignoter. Je m'installe à un bureau et j’explique rapidement mon projet. Sans demander, elles m'organisent mes prochains jours sur la ville. Je me laisse guider. J'ai droit à un itinéraire culturel et à une invitation pour le soir même pour voir un spectacle à La Villette. On me parle de leur volonté de faire un lien entre tous les quartiers de la ville. Entre le sud (coté canal de l'Ourcq) et le nord (coté Courtillières). Les idées fusent, les propositions aussi. De la danse, de la musique underground, du théâtre et du jardinage...
Deux femmes enthousiastes, un peu perchées, avec un débit de parole aussi intense qu'un riff de Jimmy Hendrix, et qui aiment leur métier. Je n'avais jamais été aussi bien reçu dans une mairie. Je conseille à tous d'y aller pour mieux connaître la ville.
Il est bientôt l'heure de rejoindre Alexandre et Mathieu (les deux journalistes de France 3 IDF) pour finir le reportage sur le projet. On se rejoint au bord du canal pour discuter du programme et leur proposer d'aller voir avec moi CRU de Fet a Ma, un "spectacle intense pour un voyage fantastique au c½ur des relations, quand les désirs humains déclenchent la tempête". Je préfère vous citer la phrase d'accroche du spectacle n'ayant pas les mots pour expliquer ce qu'a été réellement le spectacle.
Après quelques aller/retour sur le canal pour les besoins des deux incroyables journalistes de FR3, nous prenons la direction du magasin Kulture Bio, rue Hoche. En passant devant il y a quelques semaines avec Léonard, je me suis dit qu'il pouvait être intéressant de mettre en valeur la seule épicerie bio de la ville. Philippe, qui tient le lieu, est une personne atypique. Enfin on n'en rencontre pas deux comme lui. Il propose à ses clients des aliments qui viennent de la terre ainsi que des produits qui alimentent l’esprit. Livres, DVD, jus bio, pain d'épice et autres légumes tendent les bras aux clients qui y viennent. Nous entrons dans le magasin et il nous présente les lieux. Il nous parle de son problème avec la mairie, de son combat contre son expropriation et de son voisin, bien plus gros que lui (et qui se nomme HERMES), qui semble-t-il va s'installer à sa place.
À ce moment là, entre dans le magasin une dame d'un âge certain avec un manteau de fourrure. Il fait à peu près 25 degrés dehors, cela donne un peu la teneur de la discussion qui se profile. Elle a été sûrement intriguée par la caméra. Je la salue et lui demande comment se passe sa journée. Commence un monologue d'environ 15 minutes. Elle n’a pas l'air d'aimer sa vie à Pantin. Se plaint de l'insécurité. Elle a apparemment vu une agression il y a 10 ans. Elle nous raconte qu'elle préfère la danse classique à la danse contemporaine. J'essaye de la convaincre qu'il y a des choses à voir et à faire à Pantin. Elle n'a pas l'air réceptive. Se revendique royaliste. Cela commence à être intéressant. Alexandra, d'un ton ferme, essaye de lui dire que les plans ne seront pas utilisables s'il y a un bruit de fond. L’interview se termine. Je suis content d'avoir pu faire découvrir un commerce de proximité au plus grand nombre (il sera coupé au montage à mon plus grand regret. Sûrement faute de temps).
Il est 18h45. Nous sommes en retard. Le spectacle commence à 19h. Nous marchons rapidement jusqu’au Théâtre au fil de l'eau. Le canal n'étant pas loin, nous arrivons rapidement sur les lieux. Nous sommes attendus. Le metteur en scène semble un peu stressé par notre présence. Je suis un peu gêné par le fait que des plans changent par ma faute. J'essaye de me faire le plus petit possible. Le spectacle va bientôt commencer et les personnes entrent. Et là... je croise mon coloc par hasard. Que de joie. Cela fait bien deux semaines que je ne l'ai pas vu. C'est tellement réconfortant parfois de revoir quelqu'un que l'on connait. C'est ici qu'est le point culminant du sentiment de voyage. Être si content de voir une personne proche n'arrive que lorsque l'on part loin et longtemps de chez soi. Pour le coup, ce n'est pas très loin mais cela ne veut pas dire que l'on ne peut pas se sentir en voyage.
Le spectacle est prenant. Un mélange de cirque et danse contemporaine (c'est pas mal finalement). C'est visuellement beau. Ce n'est pas forcement long et c'est plutôt bien tant on sent les acteurs souffrir physiquement...
Sans s'en rendre compte, l'heure est finie. Je sors de la salle et parle avec les personnes qui m'ont reçues cette après-midi à la mairie. Mon coloc est toujours là. Nous discutons un peu de ce que l'on vient de voir. Ce soir, je dois dormir chez Mona, une céramiste que j'ai rencontré à Epinay-sur-seine. Je n'ai plus de batterie. Évidemment nous sommes en retard. Mona devait partir à 20h30 et me présenter son chez elle. Il est déjà 20h45. Nous marchons rapidement pour arriver à temps. N'ayant plus de batterie, je cherche le code. Je rallume mon portable. Un message de Mona qui me dit qu'elle a du partir précipitamment et que son coloc n'est pas là. Trois jeunes un peu éméchés passent, sont intrigués par la caméra et se proposent de m'accueillir. Nous rigolons un peu avec eux et ils reprennent leur chemin sûrement.
Après 20 min de réflexion, je décide de rentrer chez moi et prends rendez-vous pour finir le tournage. Je rebrousse chemin, passe par la porte de Pantin et commence l'ascension des maréchaux. Je fais une pause porte des Lilas et je me laisse porter jusqu'à la porte de Bagnolet. À gauche se dressent deux grandes tours qui m'ont toujours intriguées et qui m'appellent un peu plus au voyage. Il est tard. Et une fois n'est pas coutume, je décide d'aller à droite et de rentrer chez moi. Demain, encore Pantin et de nouvelles choses à découvrir.
Mon incroyable 93, c'est un voyage de 4 mois en Seine-Saint-Denis pour découvrir ce territoire sous un autre angle. Pour donner à voir ce 93 qu’on n’imagine pas et déconstruire les clichés qui entourent ce département, un touriste a donc décidé de partir en voyage pour aller à le rencontre des habitants et voir le patrimoine séquano-dionysiens. Un voyage pas très loin de Paris, pas très loin de chez vous (sauf si vous habitez le Minnesota) et pas très loin de chez lui, à seulement quelques stations de métro (et RER) de la capitale afin de redécouvrir le département où il a grandi et le faire (re)découvrir à d'autres.
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